Visite nocturne - 4

Notre arrivée dans la maison de Logan Mader se fait tout naturellement. Comme si nous étions un ami de longue date. Malgré la gêne inutile de BK, cette famille modèle de la upper-middle-class américaine nous accueille avec sympathie.

 

Faut dire que la baraque est tellement grande qu'on peut aller et venir sans jamais croiser personne... ou une bonne ou deux de temps en temps... et encore.

 

BK a la gentillesse de nous laisser sa chambre et de dormir sur le canapé. Le lit est spacieux et les draps sont propres, je m'effondre à 20h, décalage horaire oblige.

 

Il fait nuit, je ne vois pas à dix mètres. Des graviers crissent sous chacun de mes pas, je suis seul dans l'obscurité. Je m'arrête un instant, humant la fraîcheur de la nuit et ses effluves boisées. Une lumière jaune chancelante éclaire soudainement un coin du bâtiment qui se dresse devant moi. Un temple manifestement.

 

Un moine sort en trombe, vociférant, une lanterne à la main. Je ne comprends pas. Il marque un temps d'arrêt, furieux, et d'un pas décidé empiète sur les gravier. Je suis debout au milieu d'un jardin de pierre et ce moine n'a pas l'air d'apprécier. Tout en se ruant vers moi, il sort de son samue une longue épée chinoise à la lame courbée. Je suis tétanisé, je ferme les yeux espérant sortir de ce cauchemar. La lame se lève et s'abat... mais rien. Je risque un œil dans sa direction.

 

L'autre se tient devant moi, une pâle lumière bleue émane des flammes qui lui dansent sur le corps. L'épée du moine a tranché à la base du cou et a fini sa course au milieu de la poitrine. Mais il reste stoïque. Je devine son sourire vicieux plein de dents pointues et brillantes. Il attrape la lame à pleine main et la retire sous le regard stupéfait du moine. Celui-ci garde cet air figé de surprise quand il reçoit en plein cœur sa propre épée retournée contre lui.

 

A peine le moine s'est-il écroulé qu'une foule d'hommes nous encerclent, katanas aux poings. Il s'avance vers l'un d'eux sans sourciller. Le samouraï se précipite et le transperce à nouveau. Mais cette fois-ci son sang jaillit au visage de son assaillant et s'écoule le long du sabre. Un sang noir et visqueux qui s'enflamme instantanément. Le samouraï s'écroule de douleur et roule sur lui même en vain. Ces flammes noires ne s'éteignent pas. Il ramasse le katana et me le tend. Son œil incandescent se veut complice.

 

Nous sommes maintenant dos à dos. je sens la chaleur des flammes s'intensifier et se radoucir à l'intérieur de chaque molécule de mon corps. Nous ne faisons qu'un. La peur disparaît. Dans un cri féroce voilà les autres qui se ruent sur nous.

 

Les graviers sous mes pieds dansent de leurs roulements fluides. J'accepte chaque attaque dans son mouvement et je l'accompagne. Les lames brillent telles des éclairs dans la nuit. Je sais d'instinct où frapper. Ligaments, artères, organes vitaux, ma lame se faufilent dans chaque ouverture laissée par ces bottes mille fois répétées. Je sens la chaleur du sang m'éclaboussant le visage. Les muscles se déchirent, les os craquent et cèdent, les viscères se répandent.

 

Plus qu'un debout. C'est lui... Il s'esclaffe en me portant le premier coup. J'esquive. Nous nous faisons maintenant face, en garde, il sourit. Ce sera très rapide, le temps d'une respiration. Il prend l'initiative, une attaque frontale. Je change de prise, décale ma jambe gauche en un rapide arc de cercle, il s'engouffre dans mon piège. Ma lame vient glisser sous son aisselle, tranchant l'artère axillaire. Il se retourne, me sourit encore une fois comme si ce n'était qu'un jeu et disparaît dans la nuit.

 

Le soleil brille sur Los Angeles, Logan Mader rentre de ses courses. Il lance un grand « good morning » à travers la fenêtre de la chambre. Je me sens léger.

Publié dans Autofiction

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