Visite nocturne - 1

Le train me procure un sentiment de sécurité, certes éphémère, mais tout de même présent. Le voyage sera long, des douches et un restaurant sont à la disposition des voyageurs et je me sens déjà comme chez moi. Nous nous endormons avant même le départ, épuisés des efforts de la soirée.

 

Debout sur ce qui semble être une plaque de granit rouge, je m'éveille en pleine possession de mon corps. Je ne le sens pas mais il est bien là. Je regarde aux alentours, rien. Rien qu'un ciel bleu éclatant et ce sol rouge brûlant qui s'étend à l'infini. Une présence fait soudainement son apparition. Pour la première fois je le vois. Celui qui occupe mon esprit est hideux. Il me toise de ses yeux incandescents, comme deux tisons encastrés dans une tête sans visage. Sa peau est d'un noir morbide, comme une ombre le recouvrant entièrement. Ses cheveux dansent tels des flammes aussi noires que le reste de son corps. Il n'est définitivement pas humain, mais il est moi.

Un claquement me fait sursauter. Je me retourne et découvre une scène familière. A l'ombre d'un eucalyptus, les deux corps que j'ai laissés dans le désert gisent sans vie. Debout à côté d'eux, une vieille Aborigène martèle le sol avec un bâton. Elle me fixe de ses yeux perçant sans dire un mot. Son visage est fripé comme du vieux cuir mal traité, ses mains sales sont parcourues de sillons profonds. Ses seins lourds et tombants bougent au rythme de ses mouvements secs et cadencés. Elle semble transpercer mon âme de son regard accusateur, une lame de reproche qui s'enfonce un peu plus profondément à chaque coup sur le sol. Qu'ai-je donc fait ?

 

Il est six heures du matin quand nous nous réveillons en sueur. Le train est arrêté. Une voix nous annonce qu'il doit faire demi-tour sur Perth suite aux inondations dans la plaine de Nullarbor. Je sens l'espoir renaître, peut-être pourrons-nous quitter l'Australie plus vite que prévu.

Publié dans Autofiction

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