Collision

Je ne pensais pas qu'obtenir une voiture puisse être aussi facile. Peter nous laisse les papiers du véhicule et nous promettons de nous occuper des formalités administratives. Mais nous n'en faisons rien. Il est 14 heures, nous quittons Perth. Direction : plein Est. Peter nous a longuement parlé de la route interminable qui traverse l'immensité de ce continent. Il nous a dit qu'il n'y avait rien à voir, le bush, le désert, le sel. Rien. Comme s'il conférait à cette étendue des propriétés dépressives qu'il faut fuir à tout prix. Comment peut-on dénigrer ainsi ces paysages. Là où le soleil rejoint la terre, embrasant le sol en un nombre incalculable de nuances d'ocres, de rouges, de bruns. Le bleu du ciel, aussi implacable que l'hardante fureur de l'astre de vie, fait rejaillir les couleurs en un contraste diabolique. Là, la nature offre à l'homme un de ses plus précieux cadeau : la Paix. Celle que je cherchais. Celle que j'ai trouvée, l'espace d'un moment du moins.

Derrière nous le jour décline et malgré mes supplications d'arrêter le véhicule au prochain lieu-dit, l'Autre insiste pour conduire encore un peu. L'obscurité enveloppe de ses ailes funestes la beauté qui nous entoure et nous voici à nouveau en tête à tête.

Putain, qu'est ce que la nuit tombe vite ici ! Bon, on doit être à quelques heures de Kalgoorlie on y sera pour le dîner. Rassuré ? Qu'est-ce que... Merde...

La voiture dodeline sous le choc et vient finir sa course en tête à queue sur le bas côté. Les phares éclairant la moitié de la route.

Ah... putain de kangourous. J'ai du en taper un énorme.

Nous descendons de la voiture pour constater les dégâts. Pare-choc enfoncé et traces de sang sur le capot. Nous nous retournons. A l’orée de la zone éclairée par les phares, nous faisons une découverte qui me remplit d’effroi. Ce n'est pas un kangourou. Une basket, nonchalamment posée sur la chaussée, baigne dans une marre de sang qui s'étend, sans que nous puissions voir d'où elle provient.