Ce qui ne changera jamais

Levé 7 heures pour un départ à 8 heures à bord du Moose Bus. Jeunes touristes européens en vacances constituent le groupe qui sera le nôtre pour les quatre prochains jours. Nous avons bien conscience de faire tache au milieu de ces visages souriants aux regards avides de rompre la routine. Rencontrer la magie d'un instant volé à la nature, oublier la rigueur sociale d'un chez soi, s'amuser, s'éclater sans avoir peur du jugement.

 

Tu parles, une bande de gamins qui sortent du lycée. Tous ravis de découvrir autre chose que leur Bavière natale. Tas de cons. Ils veulent de l'évasion mais se prennent un tour organisé avec une guide, ersatz d'autorité protectrice qui se donne des airs de grande copine.

 

Tout semble « fake », de l'enthousiasme exagéré de la « nounou » aux paysages « stroboscopés ». Des lacs d'un turquoise laiteux, des forêts de sapins morts, des kayaks, des chevaux, un dortoir, des ours, des montagnes, encore un dortoir... Et si on piétinait un glacier histoire de le faire fondre plus vite, d'accord mais rapidement le bus part dans un quart d'heures ! Photos, photos, photos... oh, un autre dortoir !

 

Impossible de dormir dans ce putain de bus, 1000 kilomètres avec tous les quarts d'heures, un arrêt shopping ou l'autre qui gueule dans son micro des anecdotes stupides sur les endroits qu'on traverse sans s'arrêter.

 

Nous voulions nous reposer et nous laisser guider mais finalement, ce tour relève de l'épreuve physique et morale. L'amusement fait partie des choses les plus difficiles à feindre...

 

C'est vrai que se lever à 7 heures tous les matins c'est drôlement amusant... surtout pour se rendre dans des sites remplis de milliers de touristes abrutis... Un épisode qui me rappelle ce pauvre Pipo, qui doit bien se foutre de ma gueule du fond de sa mare.

 

C'est toi qui l'a voulu... Il y a quand même une chose qui ne changera jamais chez nous... notre capacité à nous plaindre. Un enfant gâté, jamais content. Au lieu de voir le bon côté des choses : ce trip nous aura avancé, on est à deux heures de Calgari maintenant.

 

Nous ne nous attardons pas dans cette ville. Calgari est triste, grise et sans intérêt touristique. Les sans-abris mendient avec une insistance dérangeante, les filles sont obèses ou moches et souvent les deux à la fois. Nous fumons notre dernier joint et prenons un vol direct pour Montréal, impatient de découvrir enfin le Québec.

Publié dans Autofiction

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