Aux bulleurs de temps

Nous restons finalement une semaine chez Kazu et ses grands parents.

 

Chaque matin, mon traducteur partait travailler. Je me réveillais seul dans cette maison inconnue, avec des octogénaires ne parlant qu'exclusivement le Japonais. Et chaque matin, à ma fenêtre, je voyais ce petit homme affairé dans son jardin. Un terrain en escalier, où chaque palier était arrangé différemment. Cerisier tortueux et potager occupaient le rez-de chaussé. Buissons colorés, arbustes taillés et fleurs d'été musardaient dans les étages.

 

Cet homme passait sa matinée à jardiner et le reste de la journée à être allongé dans un sofa qui lui servait de lit d'appoint devant la télé. Il semblait ne regarder qu'une seule chaîne sur son écran mal réglé, en saturation dans les jaunes. Des informations, des feuilletons à l'eau de rose, la météo, des émissions médicales.

 

J'ai alors aperçu l'humain dans son universalité. Ce grand père de 82 ans, japonais, vivant à des milliers de kilomètre du mien faisait finalement la même chose. S'occuper de son jardin, revient à regarder le temps qui passe droit dans les yeux. Un chapitre final qu'on sent se raccourcir et qu'on écrit comme un ultime pied de nez à la mort.

 

Nous nous rendons à Kobe où un ami de Kazu se propose de m'héberger deux jours. Manque de chances, nous arrivons à 10 heures du matin et l'ami en question ne finit pas avant 18 heures. L'arrivée est difficile, l'air est lourd et humide, les sacs nous labourent les épaules. Nous sentons nos vêtement trempés et poisseux nous coller à la peau.

 

Je lâche l'affaire, ce Masaru, il pourra aller se faire foutre... je me trouve une auberge et vite fait. Le YH est dans le quartier de Kitano, c'est à cinq minutes en taxi, je vais pas me gêner.

 

Nous arrivons à Kitano, l'auberge a fermé il y a plusieurs mois. Découragés, nous passons l'après-midi dans ce quartier à l'architecture europèenne du XIXème siècle. Des immeubles de types allemands et français entourent un petit amphithéâtre de rue. A côté de bronzes de musiciens juchés sur les hautes marches, la foule admire une dresseuse de singe et un acrobate. Et c'est en les voyants que je me mets à repenser au grand-père.

 

Aux bulleurs de temps

Ceux qui n'ont rien à faire

Tout comme des enfants

Dans leurs rêves se perdent

La mort les attend

Ils savent lui dire merde

Mourir en souriant

Vous exclut de l'enfer

Publié dans Autofiction

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